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Résumé

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A propos de l’Auteur

Copyright

Séduisant

Le Club des éternels célibataires — Tome 1

 

par

 

Tina Folsom

 

Traduction : Constance de Mascureau

 

© Tina Folsom, 2015 pour la traduction française, 2010 pour le texte original

Précédemment publié sous le titre L’escort attitrée

Résumé

 

L’auteur à succès Tina Folsom, qui figure régulièrement sur les listes de best-sellers du New York Times et de USA Today, présente le premier livre de la série « Le Club des éternels célibataires ».

En voyage d’affaires à San Francisco, Daniel a besoin d’une escort pour l’accompagner à une soirée mondaine. Quand la belle Sabrina se présente à sa porte, il est loin de se douter qu’elle n’est pas la femme qu’elle prétend être. Leur rencontre devient rapidement torride, mais les mensonges et les non-dits vont finir par mettre en péril leur liaison passionnée.

 

Précédemment publié sous le titre L’escort attitrée

 

Séduisant, Attirant et Envoûtant forment une trilogie racontant la relation amoureuse entre Daniel et Sabrina. La série « Le Club des éternels célibataires » se poursuit avec l’histoire de sept séduisants célibataires new-yorkais qui vont chacun trouver l’amour sur leur chemin.

 

Les trois premiers livres du Club des éternels célibataires doivent être lus dans l’ordre, mais les suivants peuvent être lus de façon indépendante.

 

1

 

Daniel Sinclair s’installa confortablement dans le siège en cuir de la limousine qui l’emmenait à l’aéroport JFK de New York pour son vol vers San Francisco.

— Monsieur, nous devrions être à l’aéroport dans quarante-cinq minutes, annonça Maurice, son chauffeur.

— Merci.

Plutôt que de traverser le pays dans son jet privé, comme il le faisait souvent, Daniel Sinclair avait décidé de voyager en première classe d’une compagnie aérienne commerciale. Son avocat et sa petite amie ne le rejoindraient que le lendemain sur la côte ouest, aussi ne lui avait-il pas semblé utile d’affréter son jet pour un seul passager.

Audrey, avec qui il sortait depuis près d’un an, devait assister à un important gala de charité et lui avait promis de prendre le premier vol le lendemain matin pour le retrouver. Quant à son avocat, Judd Baum, il avait préféré se charger des dernières modifications du contrat à New York, où il pouvait bénéficier de l’aide de son équipe.

Cela faisait presque un an que Daniel travaillait sur l’acquisition d’une société de services financiers installée à San Francisco. Même si les détails étaient essentiellement gérés par ses avocats et ses directeurs commerciaux, il tenait à suivre de près toutes les opérations conclues par son entreprise, surtout pendant les derniers jours.

Il se faisait toujours un devoir d’être présent lors de la signature finale plutôt que de donner son accord à distance. Par ailleurs, ce voyage à San Francisco lui ferait le plus grand bien.

Ce serait l’occasion de se détendre et de revoir son ami Tim, qui avait quitté New York cinq ans plus tôt pour se réinstaller dans sa Californie natale. Il avait eu beau essayer de s’adapter à la vie sur la côte est, il ne s’y était jamais véritablement senti à l’aise. Daniel ne pouvait pas vraiment lui en vouloir : la vie à New York était intense et complètement centrée sur le travail.

Sa venue à San Francisco avait également un autre motif. Il souhaitait présenter Audrey à Tim car celui-ci avait un mystérieux talent. Ce dernier était en effet capable d’analyser le caractère d’une personne en quelques minutes. La relation de Daniel et Audrey battait de l’aile depuis quelque temps, en particulier à cause de son travail acharné sur l’acquisition.

Daniel n’avait pas été très présent auprès de sa petite amie et il s’interrogeait sur l’avenir de leur relation. À vrai dire, il avait grand besoin des conseils de son vieil ami d’université. Il ne parlait jamais de femmes ou de ses relations avec ses amis ou collègues de travail à New York, et Tim était la seule personne avec laquelle il se sentait suffisamment à l’aise pour avoir ces « conversations d’hommes ».

Comme il le faisait souvent quand il était préoccupé, Daniel passa ses longs doigts dans ses cheveux bruns. Ils étaient plus longs qu’à l’ordinaire car il n’avait même pas trouvé le temps d’aller chez son coiffeur, tant son emploi du temps de ces derniers mois avait été chargé.

Incapable de rester sans rien faire, Daniel ouvrit sa serviette et en tira des documents concernant l’acquisition. Il passa en revue les papiers et lâcha soudain un juron dans sa barbe : l’un des dossiers préparés à son intention par son assistante était introuvable. Il se souvenait pourtant l’avoir vu la veille au soir.

Il était passé prendre Audrey à son appartement, mais comme à l’ordinaire elle n’était pas prête. Sachant qu’elle aimait prendre son temps, il avait commencé à étudier le dossier pendant qu’elle finissait de se préparer. Il avait dû l’oublier chez elle, mais il ne s’en était pas rendu compte car il n’avait pas dormi là.

Il essaya alors de se rappeler la dernière fois qu’il avait passé la nuit avec Audrey. Cela devait faire plus de deux semaines. Et plus de temps encore qu’ils n’avaient pas couché ensemble. Curieusement, il n’en avait même pas pris conscience. Le travail lui faisait oublier tout le reste.

— Maurice, lança-t-il à son chauffeur.

— Oui, Monsieur ?

— Pouvez-vous faire un saut chez Mlle Hawkins ? Je dois aller récupérer des documents que j’ai oubliés hier soir.

— Très bien, Monsieur.

Cela ferait seulement un léger détour. Maurice était encore coincé dans les bouchons, et Audrey habitait tout près de là où ils se trouvaient. Daniel jeta un coup d’œil à sa montre. Elle devait déjà être partie à sa soirée de bienfaisance, mais il avait les clés. Le concierge le connaissait bien et le laisserait monter.

Quelques minutes plus tard, Maurice se gara en double file devant l’immeuble et Daniel sortit de la voiture. L’appartement d’Audrey était situé au dernier étage d’un bâtiment datant du début du siècle précédent. Pendant la lente ascension du vieil ascenseur, Daniel tapota impatiemment du pied sur le plancher lambrissé.

L’étage supérieur ne comptait que trois appartements. Daniel se dirigea à grands pas vers celui d’Audrey et tourna la clé dans la serrure. En poussant la porte, il entendit du bruit.

La gouvernante devait être là. Il s’avança dans le couloir sur la pointe des pieds pour lui faire peur. Il avait de l’affection pour Betty, une femme d’un certain âge qui l’accueillait toujours avec bonne humeur. Quand il la voyait rire à ses farces, Daniel avait l’impression de rajeunir de dix ans.

Il tendit l’oreille. Le bruit venait de la chambre. Betty avait dû allumer la télévision pendant qu’elle faisait le ménage. Imaginant avec un sourire son visage stupéfait, Daniel posa la main sur la poignée et la tourna doucement, puis il ouvrit la porte d’un coup.

— Bouh !

Il faillit s’étouffer à la vue de la scène qui se jouait devant lui. Ce n’était certainement pas Betty en train de nettoyer l’appartement !

— Daniel !

À l’évidence, Audrey avait décidé de ne pas se rendre à son gala de charité. Nue, échevelée et en sueur, elle était en train de chevaucher un homme aussi peu vêtu qu’elle. Mais bien entendu, elle n’avait jamais eu l’intention d’y aller ! À en juger par la position dans laquelle elle se trouvait, Audrey était à mille lieues de penser à faire acte de charité. À moins bien sûr que Daniel ne se trompe et que ce soit la raison pour laquelle elle était au lit avec son avocat.

— Judd ! Audrey !

Les longs cheveux roux d’Audrey retombaient en cascade sur sa poitrine et des mèches étaient collées sur sa peau luisante. Ses ébats avec Judd lui avaient visiblement donné chaud, et d’après les draps entortillés et l’odeur de sexe qui régnait dans la pièce, ce n’était pas les premiers.

Quant à Judd, la révision des termes du contrat semblait lui avoir pris bien moins longtemps que prévu, sinon comment aurait-il pu trouver le temps de coucher avec la petite amie de son patron ? Ne lui était-il pas venu à l’esprit qu’il risquait très gros en se comportant ainsi ? Peut-être qu’il n’était finalement pas aussi brillant que Daniel l’avait toujours cru.

Daniel éprouvait un étrange sentiment de détachement face à la scène qui se déroulait sous ses yeux. Et de soulagement. La stupéfaction qui se lisait sur le visage d’Audrey était la première émotion sincère qu’il lui voyait exprimer depuis longtemps.

— Je peux vous expliquer, dit Judd en s’efforçant faiblement de se retirer d’Audrey.

Elle était toujours à califourchon sur lui, même si elle avait eu la décence d’arrêter de se mouvoir sur le sexe de Judd, ce qu’elle recommencerait sans aucun doute à faire dès le départ de Daniel.

Daniel leva la main.

— Épargnez-moi cela.

La situation était suffisamment explicite.

— Audrey, ce n’est pas la peine de venir en Californie. Voilà ta clé. C’est terminé.

Il posa la clé de l’appartement sur la commode et ramassa son dossier.

— Daniel, il faut qu’on en parle.

Il secoua la tête. Ce n’était pas dans son caractère de faire une scène. Il n’avait jamais été une personne émotive, du moins pas depuis la puberté. Quand ils étaient plus jeunes, Tim lui disait souvent pour le taquiner qu’il ne pouvait pas croire que la mamma de Daniel était sa vraie mère, car il était impossible d’être aussi réservé en étant à moitié Italien.

Arrivé sur le seuil de la porte, Daniel se retourna.

— Et Judd, vous êtes viré. Je finaliserai l’acquisition moi-même.

— Mais vous ne pouvez pas me virer. Vous avez besoin de moi…

Même si Judd lui avait en réalité rendu service en le débarrassant d’Audrey, il ne pouvait pas continuer à travailler avec quelqu’un qui agissait ainsi dans son dos. Il avait besoin d’avoir une confiance absolue en son avocat.

— Vous êtes remplaçable. Vous devriez vous faire à cette idée.

Il ne faisait pas allusion à son travail mais à la femme qu’il avait dans les bras. Elle ne tarderait pas à le remplacer par quelqu’un d’autre. Quel idiot !

Deux minutes plus tard, Daniel quittait l’immeuble d’Audrey et sortait de sa vie, pour de bon. En se dirigeant vers la voiture, il eut l’impression de marcher d’un pas plus léger, comme si on lui avait retiré un fardeau des épaules. Il prit alors conscience qu’il était plus ennuyé de perdre un bon avocat que de perdre Audrey. Il fallait absolument qu’il lui trouve un remplaçant sur-le-champ. Sans avocat à ses côtés pour conclure l’opération, la situation risquait de mal tourner.

Daniel sortit son téléphone de sa poche et appela un numéro qui figurait dans ses favoris, tout en demandant au chauffeur de poursuivre sa route vers l’aéroport.

Son interlocuteur décrocha au bout de deux sonneries.

— Tim, c’est Daniel.

— Oh, zut, j’ai raté ton arrivée ?

Tim n’était pas quelqu’un d’étourdi, mais depuis qu’il était retourné vivre en Californie sa vie sociale était devenue si intense qu’il enchaînait sans cesse les fêtes.

— Mais non. Je suis encore à New York. (Tim soupira, manifestement soulagé.) Écoute, je voudrais te demander un service. J’ai besoin du meilleur cabinet de San Francisco spécialisé en droit des affaires pour qu’il reprenne le dossier en cours.

— Quoi, vous n’avez plus assez d’avocats à New York ?

— Je viens juste de mettre Judd à la porte.

Il n’avait pas envie d’entrer dans les détails. Il aurait tout le temps pour cela une fois qu’il serait à San Francisco.

— D’accord, je m’en occupe. J’aurai quelqu’un pour toi à ton arrivée. Je suis impatient de te voir et de rencontrer enfin Audrey. J’ai fait une réservation pour le dîner. On peut…

Daniel l’interrompit.

— En fait, à propos d’Audrey…

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Tim d’une voix pleine de curiosité.

— Elle ne vient pas. C’est fini entre nous. (Il ne laissa pas le temps à son ami de commenter la nouvelle.) Ce qui m’amène à un autre problème. Je dois aller à ce fichu cocktail demain soir en prévision de l’acquisition. Je voulais emmener Audrey pour tenir à distance toutes ces célibataires qu’on me présente généralement à ce genre d’événements, et j’ai donc besoin d’une remplaçante.

Il n’avait aucune envie de passer la soirée à repousser les avances de toutes les femmes de moins de quarante ans qui se jetteraient sur lui parce qu’il était riche et célibataire.

— Une remplaçante ?

La voix incrédule de Tim résonna dans son téléphone portable.

Daniel se passa la main dans les cheveux, les ébouriffant comme s’il sortait de son lit, ce qui n’aurait pu être plus loin de la vérité. Il s’était levé à quatre heures du matin pour aller à son club de sport avant de démarrer sa journée de travail chargée.

— Oui, une jolie femme pour me mettre en valeur.

— Je peux t’organiser un rendez-vous, suggéra Tim, qui avait manifestement déjà quelqu’un en tête. D’ailleurs, ça tombe très bien. La colocataire d’une de mes bonnes amies est…

Daniel pouvait s’imaginer Tim en train de se frotter les mains.

— Oublie ça. Je veux une professionnelle. Pas une relation compliquée ou un rendez-vous arrangé.

Il n’avait vraiment pas besoin de cela en ce moment.

— Une professionnelle ?

— Oui, comment est-ce qu’on appelle cela ? Une escort.

Il venait d’y penser. C’était la solution. Plutôt qu’une petite amie, il avait besoin d’une escort, quelqu’un qui ferait comprendre à toutes les autres femmes qu’il n’était pas libre. C’était la solution à tous ses problèmes. Et il aurait bien moins de mal à satisfaire une escort qu’une petite amie ou une femme rencontrée lors d’un rendez-vous arrangé. Il lui suffirait de mettre le prix.

— Trouve-moi une escort. Pas trop jolie, mais suffisamment séduisante et pas trop bête pour ne pas m’embarrasser au cocktail.

— Tu n’es pas sérieux !

Même s’il ne pouvait pas voir le visage de Tim, il savait qu’il était bouche bée.

— Je suis tout à fait sérieux. Alors fais une réservation pour moi, s’il te plaît. Je suppose qu’elles prennent les cartes de crédit ?

Daniel était quelqu’un de pragmatique, ce qui faisait de lui un excellent homme d’affaires.

— Comment veux-tu que je fasse ? Est-ce que j’ai l’air d’un homme qui fréquente des escorts ?

Tim paraissait de plus en plus amusé. Daniel l’entendit même étouffer un rire à l’autre bout du fil.

— Allez, fais ça pour moi et je te raconterai pourquoi j’ai rompu avec Audrey.

Il savait très bien à quel point Tim aimait les ragots.

— Tous les détails croustillants ? s’empressa-t-il de négocier.

— On ne peut pas faire plus croustillant.

— Alors c’est d’accord, évidemment. Tu as des préférences ? Brune, blonde, rousse ? Forte poitrine ? Longues jambes ?

Daniel secoua la tête en souriant. Il n’avait pas l’intention de coucher avec l’escort, tout ce qu’il voulait était qu’elle l’accompagne à cette ennuyeuse réception. Tant qu’elle n’était pas moche et pouvait se faire passer pour sa petite amie, il se moquait bien de son apparence.

— Surprends-moi ! À tout à l’heure. (Il était sur le point de raccrocher mais se ravisa.) Et merci, Tim, pour tout.

— Je t’aime aussi.

Daniel s’installa sur son confortable siège de première classe et se concentra sur les derniers points à revoir avant de finaliser l’acquisition. Il demanderait à son assistante d’envoyer par email les contrats actuels aux avocats qui reprendraient le dossier. Dans le pire des cas, l’histoire avec Judd retarderait d’une semaine la signature de la transaction, ce qui n’avait pas vraiment d’importance pour lui.

Peut-être pourrait-il en profiter pour passer quelques jours dans le wine country, la région des vignobles californiens ? Il demanderait à Tim de lui faire des recommandations. Son ami, grand amateur de vin, connaissait certainement les meilleurs sites à visiter. Daniel pourrait ainsi se détendre, avec une bonne bouteille de vin dans une main et un livre dans l’autre.

Mais pourquoi se mentir ? Depuis quand savait-il se détendre ? Il n’avait pas pris un seul jour de congé pendant l’année qui venait de s’écouler. Il travaillait même le dimanche, alors qu’Audrey l’avait supplié à maintes reprises de partir en week-end avec elle. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir d’avoir trouvé du réconfort dans les bras de Judd. Il était loin d’avoir été un petit ami attentionné ou romantique. Ce n’était tout simplement pas dans sa nature.

Daniel plaignait déjà la femme qui tomberait amoureuse de lui un jour. Il lui souhaitait bonne chance pour essayer de lui faire lever le pied sur le travail. Audrey n’y était pas parvenue, et pourtant elle était belle et séduisante. Mais sa priorité avait toujours été le travail, et cela ne changerait pas. Jamais.

Il n’était pas allé aussi loin dans la vie – sans demander le moindre sou à son père – pour qu’une femme étouffe son ambition et le fasse culpabiliser de ne pas passer suffisamment de temps avec elle. D’autres hommes l’acceptaient, mais pas lui. Il avait besoin de défis, de conquêtes, de batailles. Pas d’une femme qui l’attendait à la maison et lui reprochait de ne pas le voir assez.

Celle qui pourrait supporter son rythme de vie n’était sans doute pas encore née, et il avait plus ou moins abandonné l’idée de trouver une femme qui lui conviendrait. Ce n’était pas faute d’avoir essayé, mais celles qui étaient attirées par lui ressemblaient toutes à Audrey : elles étaient exigeantes, gâtées, et principalement intéressées par son argent. Ce n’était pas ce qu’il recherchait.

Quand il regardait en arrière, Daniel n’arrivait pas à mettre le doigt sur le moment exact où il avait cessé d’être un jeune homme sympathique et chaleureux pour devenir l’homme d’affaires déterminé qu’il était aujourd’hui. Avec son physique latin avantageux, il avait toujours eu du succès avec les femmes, sans avoir d’efforts à faire pour les conquérir.

Le sexe tenait certes une place dans sa vie, mais pas très importante. Avec Audrey, il y avait souvent renoncé en raison de réunions d’affaires qui se prolongeaient tard dans la nuit. Et il avait eu l’impression que cela ne la dérangeait pas vraiment, tant qu’il continuait à l’amener à des événements mondains. Cela n’arrivait pas souvent, et il s’y ennuyait à mourir la plupart du temps.

Daniel apparaissait rarement dans les magazines people, au grand déplaisir d’Audrey qui n’aimait rien de plus que de lire des choses sur elle dans les journaux. C’était un homme secret, qui était loin d’attirer l’attention autant qu’elle l’aurait voulu. À la réflexion, il se demandait même pourquoi il avait commencé à sortir avec elle. Ils n’étaient vraiment pas faits l’un pour l’autre.

2

 

Si seulement Sabrina Palmer avait refusé l’offre du cabinet d’avocats Brand, Freeman & Merriweather et accepté l’autre travail qu’on lui avait proposé, elle ne serait pas en train de souhaiter désespérément être ailleurs! Elle exercerait un emploi dans un cabinet climatisé à Stockton qui ne la mènerait sans doute nulle part, mais au moins, elle ne se ferait pas harceler par l’un des collaborateurs seniors. Debout juste derrière elle, ce dernier faisait mine de lire le document affiché sur l’écran de son ordinateur alors qu’elle savait pertinemment qu’il avait les yeux rivés sur son chemisier.

Pourquoi avait-il fallu qu’elle choisisse le cabinet le plus réputé de San Francisco, dans l’espoir d’acquérir une expérience juridique solide et de faire avancer sa carrière ? Elle avait réussi l’examen du barreau haut la main et s’était crue capable d’affronter le monde, et voilà qu’elle se retrouvait confrontée à un problème vieux comme le monde : elle était une femme dans un univers d’hommes.

Et au lieu de travailler sur les dossiers intéressants, qui étaient confiés aux jeunes collaborateurs de sexe masculin, elle se retrouvait à faire du classique droit des sociétés tout en se faisant reluquer la poitrine par Jon Hannigan, ou Jonny la raclure, comme l’appelaient les secrétaires derrière son dos.

Ses seins n’étaient pourtant pas particulièrement gros, mais ils étaient plutôt bien proportionnés pour sa petite taille, tout comme ses formes pulpeuses. Elle n’avait pas une silhouette de mannequin et regrettait de ne pas mesurer quelques centimètres de plus afin d’éviter que tous les hommes puissent voir son nombril quand elle portait un col en V, mais elle ne pouvait pas changer ses gènes.

Sabrina avait les cheveux plus courts que lorsqu’elle étudiait le droit, et elle les avait récemment fait couper, si bien qu’ils lui arrivaient à peine aux épaules. Ils étaient d’un brun très foncé, et son coiffeur enthousiaste l’avait suppliée à plusieurs reprises de les éclaircir avec des mèches, ce qu’elle avait refusé à chaque fois. Elle les faisait couper en dégradé pour qu’ils encadrent son visage avec plus de douceur.

— Il va falloir reformuler ce paragraphe, dit Hannigan en se penchant encore plus près d’elle, le bras au-dessus de son épaule pour lui montrer l’écran. (Une légère odeur de transpiration accompagna son geste.) Vous devez exprimer l’intention.

— Je comprends.

Elle ne connaissait que trop bien l’intention de Jon. Le jour où on lui avait présenté Jon Hannigan, elle avait su qu’il lui créerait des ennuis. Le regard vicieux qu’il lui avait lancé avait suffi à lui faire comprendre qu’elle devait se tenir sur ses gardes. Quand il lui avait serré la main avec ses doigts boudinés, il s’était attardé bien trop longtemps et Sabrina avait dû faire appel à toute sa volonté pour ne pas la retirer vivement et provoquer une situation gênante.

La pâleur du teint de Hannigan était accentuée par son nez souvent légèrement rougi, que l’on pouvait attribuer à une exposition prolongée au soleil ou à une consommation d’alcool excessive. Sabrina penchait plutôt pour la deuxième option. Hannigan n’était ni beau ni laid, même si sa personnalité le rendait repoussant.

Si elle avait dû le décrire à quelqu’un, elle aurait dit que c’était un homme moyen. Un salaud moyen.

— Sabrina, je vais vous révéler un petit secret. Si vous voulez faire avancer votre carrière ici, restez avec moi.

Sabrina frissonna intérieurement. Il n’avait absolument pas son avancement en tête, elle en était certaine. Elle en avait suffisamment entendu parler par les secrétaires qui avaient fait les frais de sa lubricité. En repensant à ce qu’elles lui avaient raconté, elle sentit ses poils se dresser sur sa nuque. Cet homme était un porc.

— Je peux le faire demain matin à la première heure. Le dossier sera sur votre bureau avant votre arrivée.

— Et si c’était plutôt vous sur mon bureau demain matin à la première heure ?

Sabrina retint sa respiration. Oui, elle avait bien entendu. Hannigan devenait de plus en plus entreprenant. Elle devait partir sur-le-champ.

— Je ferais mieux d’y aller, dit-elle prudemment en éteignant son ordinateur.

Hannigan resta sans bouger derrière sa chaise, empêchant Sabrina de la reculer.

Tournant légèrement la tête dans sa direction, elle fit une autre tentative.

— Excusez-moi, s’il vous plaît.

Il fit un pas en arrière et elle put alors se lever, mais elle se retrouva presque collée contre lui. Respirant nerveusement, elle tenta de se faufiler. Il la regardait avec un sourire malsain. Se croyait-il vraiment séduisant ainsi ? Le sans-abri de l’arrêt de bus avait plus de chance avec elle que Hannigan.

— Pourquoi êtes-vous si pressée ?

— J’ai un rendez-vous médical. Excusez-moi.

Après avoir regardé longuement ses seins une dernière fois, il s’écarta pour la laisser passer. Sabrina eut la nausée en sentant son parfum trop fort mêlé à son odeur de transpiration. Sans se retourner, elle saisit vivement son sac sur le bureau et se dirigea vers la porte.

— À demain, Sabrina.

Elle accéléra le pas en entendant la voix de Hannigan tout près derrière elle. Il fallait qu’elle parte.

Elle ne pouvait supporter l’idée de rester plus longtemps, même s’il était à peine seize heures et qu’elle travaillait habituellement jusqu’à dix-huit heures. Le rendez-vous chez le médecin n’avait été qu’une excuse pour échapper à Hannigan. Une autre minute en sa présence l’aurait fait vomir ou tomber dans les pommes.

Comment était-elle censée continuer à travailler dans ce cabinet pendant encore au moins un an, avec Hannigan qui regardait sans cesse par-dessus son épaule, ou plutôt dans sa chemise ?

— Votre journée est terminée ? demanda Caroline, la réceptionniste, en voyant Sabrina traverser le hall.

Sabrina répondit par un regard qui en disait plus long qu’une explication de dix minutes.

— Encore Hannigan ?

Elle hocha la tête et se pencha au-dessus du comptoir.

— Je ne sais pas combien de temps encore je vais tenir, murmura-t-elle à Caroline.

— Vous savez ce qui est arrivé à Amy. Si vous vous plaignez, ils trouveront simplement une raison pour se débarrasser de vous.

La réceptionniste afficha une expression de commisération. Elle disait vrai. Les associés semblaient accorder suffisamment de valeur au travail de Hannigan pour passer outre son comportement déplacé.

Un club de vieux machos, voilà ce que c’était. C’était comme nager à contre-courant. La question était cependant de savoir si elle serait capable de lutter encore longtemps ou si elle allait sortir de la rivière.

— Cela ne me laisse pas beaucoup d’options, non ? À demain.

Sabrina sortit du bâtiment. Malgré la chaleur qui régnait dehors, l’air lui parut rafraîchissant. L’atmosphère dans le bureau était oppressante en présence de Hannigan.

Les secrétaires s’étaient réjouies que le cabinet embauche enfin une jeune collaboratrice, et Sabrina comprenait à présent pourquoi : Hannigan les laissait désormais presque tranquilles. Sabrina était devenue leur paratonnerre. Elle avait beau éprouver de la compassion pour ces femmes, elle devait aussi penser à elle et réfléchir à ce qu’elle devait faire. Pouvait-elle prendre le risque de porter plainte ? Quel impact cela aurait-il sur sa carrière ?

Se souvenant que le réfrigérateur de son appartement était presque vide, Sabrina décida de profiter du temps qu’elle avait pour aller faire des courses en rentrant. Le supermarché était bondé, et il n’y avait qu’une seule caisse ouverte. Toutes les autres étaient en panne, apparemment à cause d’un problème informatique.

Après s’être assurée qu’on lui gardait sa place dans la queue, Sabrina retourna vers le rayon des glaces. Elle espérait que Holly, sa colocataire et amie d’enfance, serait à l’appartement à son retour.

Elles pourraient ainsi dévorer ensemble le gros pot de Ben and Jerry’s qu’elle avait acheté, tout en disant du mal des hommes en général et de Hannigan en particulier.

3

 

Lorsque Sabrina rentra enfin à l’appartement, il était dix-huit heures passées.

— Holly, tu es là ? lança-t-elle en se dirigeant vers la cuisine pour poser ses sacs de courses sur le plan de travail.

Elle commença par ranger la glace au congélateur puis se retourna en entendant un bruit provenant de la salle de bains au fond du couloir.

— Holly, ça va ?

La porte de la salle de bains était entrouverte. Vêtue de sa robe de chambre rose, Holly était par terre devant les toilettes en train de vomir.

— Qu’est-ce qui ne va pas, ma puce ? Tu as mangé quelque chose qui n’est pas passé ?

Sabrina se baissa pour dégager le visage de son amie des longs cheveux blonds qui le recouvraient. Son visage était blême.

— Je ne sais pas. J’allais bien tout à l’heure. Et puis…

Holly retourna brusquement la tête vers la cuvette en porcelaine et rendit encore un peu plus le contenu de son estomac. Sabrina se releva et sortit un gant de toilette de l’armoire à linge. Elle le mouilla avec de l’eau froide puis s’accroupit près de son amie.

— Tiens, ma puce. (Elle appliqua le gant froid sur la nuque de son amie, tout en retenant ses cheveux en arrière.) Fais tout sortir.

— Tu as l’air stressée. Mauvaise journée ? demanda Holly, essayant sans doute de se distraire de sa nausée.

Sabrina sourit doucement.

— Apparemment pas aussi mauvaise que la tienne.

— C’est encore Hannigan ?

Holly la regarda d’un air entendu puis se tint de nouveau le ventre en penchant la tête au-dessus de la cuvette.

— Pas pire que d’habitude, mentit Sabrina.

En réalité, la situation allait vraiment de mal en pis. Il s’était mis à faire des allusions sexuelles claires et elle était à court d’excuses pour lui échapper. Mais ce n’était pas le moment d’ennuyer Holly avec ses problèmes.

— Tu devrais vraiment faire quelque chose, lui dit Holly sur un ton ferme.

— Mais commençons par prendre soin de toi avant d’échafauder un plan pour gérer le problème Hannigan, d’accord ?

Sabrina aida Holly à se relever et sentit à quel point elle avait du mal à tenir sur ses jambes. Elle la soutint pendant qu’elle se lavait le visage et se rinçait la bouche.

— Tu préfères t’allonger sur le canapé ou sur ton lit ?

— Sur le canapé, s’il te plaît.

Alors que Sabrina marchait avec elle vers le salon, le téléphone sonna.

— Laisse le répondeur s’enclencher. Je pense que je sais qui c’est.

Sabrina haussa les sourcils sans poser de questions. Elles ne recevaient que rarement des appels sur leur ligne fixe et celui-ci était très probablement destiné à Holly.

À peine le bip du répondeur eut-il retenti qu’une voix de femme irritée emplit la pièce.

— Holly, c’est Misty. Je sais que tu es là, alors décroche ce fichu téléphone. Tu m’entends ? Si tu crois que tu peux tout simplement me laisser un message pour me dire que tu ne prends pas la réservation de ce soir, tu te trompes. Et après ce que tu as fait avec le client japonais la semaine dernière, je suis à bout de patience avec toi.

Sabrina lança un regard interrogateur à son amie, mais celle-ci se contenta de hausser les épaules avec un air renfrogné.

— Il n’y a personne pour prendre ta place, toutes les autres filles sont prises. Alors tu vas travailler ce soir, malade ou pas, ou bien tu ne travailleras plus jamais pour moi. C’est bien clair ? Et je ferai ce qu’il faut pour que plus personne d’autre dans cette ville n’accepte de t’engager. J’espère que tu comprends bien. Si tu ne te présentes pas ce soir à 19 heures à l’Intercontinental Mark Hopkins, chambre 2307, tu es virée.

Misty raccrocha.

— Vieille peau ! lança Holly d’une voix rauque.

— Qu’est-ce qui s’est passé avec le client japonais ? demanda Sabrina en regardant son amie.

Holly fit un geste explicite.

— Pervers.

Même si Holly semblait ne pas vouloir en dire plus, Sabrina connaissait assez bien son amie pour être convaincue qu’elle finirait par lui dire tout ce qu’elle désirait savoir. Holly n’était pas le genre de personne à garder des secrets.

— On était dans sa chambre d’hôtel. Je pensais qu’il voulait la même chose que la plupart des hommes, mais non, il a fallu que je tombe sur un vicieux. Il avait apporté des petites boules en acier sur une chaîne, et tu n’as vraiment pas envie de savoir ce qu’il avait envie que je fasse avec…

Sabrina lui confirma du regard qu’il n’était pas utile qu’elle lui en dise plus. Elle en avait déjà trop appris.

— Quoi qu’il en soit, j’ai déguerpi, et quand Misty l’a appris, elle m’a en quelque sorte mise à l’essai. Elle a dit que si je laissais encore une fois tomber un client, elle me botterait le cul. Désolée pour mon langage.

Le langage de Holly n’était jamais un problème. D’ailleurs, la plupart de ses clients aimaient son franc-parler, comme toutes les autres choses qu’elle pouvait faire avec sa langue. Sabrina secoua la tête en riant.

— Laisse-moi te préparer une tisane à la camomille.

Tout en s’affairant dans leur grande cuisine et en s’efforçant de mettre la main sur des biscuits secs pour accompagner la camomille, Sabrina se demanda comment ses collègues réagiraient s’ils apprenaient qu’elle partageait son appartement avec une escort professionnelle.

Elle avait grandi avec Holly dans une petite ville de l’est de la baie de San Francisco. Très proches à l’époque, elles s’étaient retrouvées après l’université en se rendant compte qu’elles avaient toutes les deux décidé de déménager à San Francisco. Rien ne leur avait alors semblé plus naturel que de se mettre en colocation.